Blandine l'irrésistible-épisode 2

Publié le par Pom&Papillone

Blandine l'irrésistible

Episode 2

« Ce que femme veut... »

 

              Comme chaque matin le réveil est difficile.  Le prince de notre belle au bois dormant a depuis longtemps commencé sa journée, et notre princesse feigne de ne pas entendre son cauchemardesque réveil en se terrant sous une pile d'oreillers. Rien à faire, la monstrueuse machine n'en fait qu'à sa tête  et hurle aux tympans de la belle endormie qu'il est grand temps de quitter le monde des contes de fées.

 

               08h15, Blandine pose un pied à terre, le droit bien sur, et d'un effort remarquable quitte son royaume douillé fait de plumes et d'oreillers. Tel un zombie elle répète machinalement chaque geste monotone d'un quotidien des plus humains. Elle arrive ainsi dans la salle des tortures où l'on peut entendre un : « miroir, mon beau miroir  dis moi qui est la plus belle ce matin? » et  comme chaque matin, l'objet qui réfléchit sans réfléchir, n'ose pas répondre à sa gracieuse maîtresse qui dans un accès de colère pourrait s'attirer sept ans de malheur, en apprenant la réponse de ce dernier. La matinée commence lentement et après un : « un jour mon prince viendra » entonné sous tous les airs mais jamais avec les bonnes notes, Blandine sort de sa douche chaude et  prend son courage à deux mains pour entrer dans la cuisine. A cet instant, d'un coup de baguette magique, elle se dit qu'avant d'être princesse, Cendrillon faisait le ménage. Eh bien, elle se contentera d'être une princesse qui prendra son thé dans la première tasse propre qu'elle trouvera, au diable le ménage, aujourd'hui elle a d'autres chats à fouetter. En effet cette après midi, à l'heure du déjeuner, un important rendez vous l'attend sur son lieu de travail. Une nouvelle traduction d'un roman qui fait déjà fureur outre Atlantique, d'un jeune auteur qu'elle ne connaît absolument pas, mais peu lui importe, à part qu'il soit beau, agréable et séduisant. Le pus important pour Blandine est de décrocher ce contrat à la place d'Héloïse Dumachais, son éternelle rivale depuis qu'elle est rentrée dans cette maison d'édition. Héloïse Dumachais, blonde, forte poitrine, vingt-cinq ans, les yeux bleus, tailleur toujours impeccable : un vautour pour Blandine mais une colombe aux yeux du monde. Tout n'est qu'un prétexte à la concurrence entre les deux jeunes femmes, ouvrant un véritable championnat de coups bas dans la maison d'édition Write&love. Un marathon qui a commencé par qui fera la meilleure traduction, puis par qui portera la plus belle tenue, la plus jolie coiffure, les plus beaux ongles, la grosse poitrine... Une course poursuite à celle qui dira bonjour en premier à Baptiste qui tient l'accueil, à celle qui offrira un café au patron avant l'autre, à celle qui finira en premier  son repas et enfin à celle qui aura les jambes épilées le plus longtemps... Cette rivalité est bien connue par tous les collègues de notre jeune traductrice et  d'ailleurs elle soupçonne même son macho de patron d'avoir  proposé ce contrat à Héloïse pour pouvoir les voir se déchirer devant lui. Il paraît que les hommes adorent voir les femmes se battrent entre elles, et cela ne dérange  pas du tout Blandine de s'imaginer une Héloïse en haillon et totalement décoiffée. A cet instant la tranche de brioche qu'elle tenait entre ses mains passa de vie à miette. Le repas d'affaire est prévu à midi et demi. Cette fois-ci, Blandine prendra sa voiture, hors de question de prendre le tramway et encore moins de prendre l'ascenseur une fois arrivée, surtout si c'est pour voir se dérouler le même scénario catastrophe que la dernière fois. Blandine a tout prévu afin de ne pas arriver en retard, c'est ainsi qu'elle se lève pour aller se préparer en vue de la bataille à venir contre les forces du mal.


            Midi tapante : heureusement aucun bouchon n'a retardé Blandine, une blandine qui s'est mise sur son trente et un et qui passe triomphante la porte du hall de verre. Quand une femme veut quelque chose, elle met tous les moyens à sa disposition pour l'obtenir et notre princesse n'échappe pas  à cette règle. Le seul souci pour elle est que son adversaire est également...une femme. C'est alors qu'Héloïse apparaît à l'autre bout du hall d'entrée, superbe elle aussi. Les deux femmes séparées par dix mètres de haine réciproque font le même chemin en parallèle jusqu'à l'escalier pour s'échanger un bonjour mielleux pour l'une, et glaciale pour l'autre. Tout le personnel de Write&love peut admirer dans ses couloirs un défilé de mode militaire tant les deux jeunes femmes avancent au même rythme, au même pas rigide mais dans une tenue et une toilette des plus élégante. Elles arrivent, donc, en même temps devant la grande porte de marbre de la salle de réception des invités. Aucune des deux ne veut l'ouvrir, cédant ainsi, le premier point à son adversaire. C'est donc leur patron, sourire en coin qui en dit long, qui doit leur ouvrir en grand les portes pour qu'elles puissent entrer toutes les deux en même temps. Le grand spectacle comique sans entracte  va débuter pour ce dernier. Une fois lorsque Blandine est installée à côté de sa détestée rivale, dans le même instant le directeur invite à entrer un séduisant jeune homme au sourire dévastateur. Blandine tourne la tête vers Héloïse et elle comprend qu'il n'y aura pas que ce sourire qui sera dévastateur. Quand une femme veut quelque chose elle est prête à tout nous l'avons dit, mais quand il s'agit d'un homme, il vaut mieux pour ce dernier courir se mettre à l'abri. Après de brèves présentations entre le jeune auteur et les angéliques demoiselles, les trois coups sont frappés. Une fois tout ce petit monde installé, la pièce peut commencer. Inutile de préciser à notre lecteur que l'intégralité du repas se déroula  dans la langue de Shakespeare et que la scène qui va suivre a été  entièrement traduite par nos soins. C'est Blandine qui commence les hostilités : « Je suis vraiment enchantée de faire votre connaissance, j'ai tellement entendu parler de vous.

-         Oh oui moi aussi, réplique aussitôt Héloïse, j'ai lu et adorée toutes vos œuvres.

-         C'est pourtant ma première, répond avec un léger sourire le jeune écrivain. »

Cette réplique a pour effet de faire s'étrangler Héloïse avec la tomate qu'elle allait avaler et de faire s'engouer Blandine avec le verre d'eau qu'elle buvait. Leur premier assaut n'aura donné de point à personne mais le ton du repas fut est donné. Le jeune auteur a eu droit au grand jeu de ces dames qui n'ont cessé à la fois de le charmer et de dissiper les charmes de sa voisine. Les entrées furent sont modestes, pour le plat principal Héloïse clame tout haut que Blandine fait  beaucoup plus vieille que son âge et qu'elle va bientôt se marier et sans doute avoir un enfant au rythme où vont ses ébats sexuels et que tout cela tient du miracle vu la piètre personne qu'elle est. La principale intéressée rétorque alors qu'elle n'a rien contre l'homosexualité et qu'Héloïse n'a pas à cacher qu'elle est lesbienne. Cette fois-ci, Héloïse s'étouffe avec un morceau d'entrecôte. Le dessert a remporté la palme des coups bas et l'on ne sait pas si le directeur aura préféré le délicieux gâteau préparé pour l'occasion, ou le moment où Héloïse a annoncé que Blandine aimait  pratiquer le sadomasochisme et que cette dernière lui a renversé, par inadvertance, la totalité de la cafetière remplie d'un café corsé et bouillant sur le tailleur; ce qui a dispensé par ailleurs toute la tablée d'une tasse de café.


            Inutile de préciser que le jeune auteur est passé par toutes les couleurs au cours du repas, du blanc au pourpre, en passant par le rouge tomate lorsqu'Héloïse lui a fait du pied  et lorsque Blandine voulant arrêter le manège de sa collègue lui a donné un violent coup de pied, mais non  pas à Héloïse, mais à notre malheureux anglophone. L'erreur est humaine. Inutile de préciser que ni Blandine, ni Héloïse n'a eu à travailler sur la traduction après ce déjeuner-spectacle  qu'elles ont offert à leur patron. Enfin, inutile de préciser que Personne n'a eu à effectuer la traduction, l'auteur ayant préféré une maison d'édition beaucoup plus...calme. C'est ainsi que Blandine est rentrée chez elle après cette journée courte mais intense et que Yann s'est retrouvé avec un plat de nouilles froides sur la tête quand il a dit à sa chère et tendre qu'elle ne savait pas garder son sang froid.


            Quand une femme veut quelque chose elle est prête à tout. Lorsqu'il s'agit en plus d'un homme simplement par concurrence féminine, tous les coups sont permis. Mais quand une femme a usé de tous ses charmes et qu'elle a déployé tant d'énergie sans obtenir l'objet de ses désirs, c'est à dire supplanter une rivale, il est alors conseillé à leur mari de ne pas émettre leur avis ou des remarques sous peine de se retrouver avec le repas du soir sur la tête. Qui a dit : «  Ce que femme veut, Dieu le veut » ?

 

P.N Pom'

 

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